11/14/2006

ASSEMBLEE NATIONALE - 14 novembre 2006

Loi de finances 2007 - Mission Outre-mer

Intervention de Mme Béatrice VERNAUDON
Députée de Polynésie française

14 novembre 2006

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Monsieur le Président,
Monsieur le ministre,
Chers collègues,

En janvier 1996, a eu lieu à Moruroa le dernier des 193 essais nucléaires français qui s’étaient déroulés sur plus de 30 ans en Polynésie française, entraînant notre collectivité dans une mutation économique sociale et culturelle extrêmement rapide avec ses bons et mauvais aspects.

Durant les 8 ans qui ont suivi, la Polynésie a connu une période de stabilité qui lui a permis avec l’aide renforcée de la solidarité nationale, de développer ses ressources propres (le tourisme, la perle, la pêche), de rééquilibrer le développement en faveur des archipels et de renforcer la cohésion sociale notamment par la mise en place d'un système de protection sociale généralisée et la relance du logement social.

En janvier 2004, nous avons voté ici même une nouvelle loi organique renforçant le statut d’autonomie de la Polynésie.
Après sa promulgation, le Président de la République a accédé à la demande des autorités locales de dissoudre l’Assemblée de Polynésie.
Une nouvelle majorité s’est dégagée des élections et Monsieur Oscar Temaru, depuis 20 ans leader du mouvement indépendantiste, a été élu Président de la Polynésie.


Dans son discours d’investiture, il a lui-même reconnu que la population n’avait pas voulu remettre en cause la situation institutionnelle de la Polynésie mais souhaitait l’instauration d’un autre mode de gouvernance : meilleure utilisation des fonds publics, plus de décentralisation, répartition équitable des richesses, attention prioritaire à la protection de l’environnement, à la préservation de l’identité polynésienne et de sa culture.

Malgré ces engagements, M. Temaru a progressivement réorienté son discours et son action en direction d'un processus d’accession à l’indépendance de la Polynésie.

Or, des sondages confirment que 75% de la population ne souhaite pas cette évolution et ne se reconnaît pas dans les déclarations de son Président.

Le dialogue avec le gouvernement central est pour ainsi dire interrompu, la majorité à l’Assemblée de Polynésie est sans cesse menacée et le climat social est dégradé.

A ce stade de mon intervention, je tiens à saluer le sang froid et le professionnalisme dont a fait preuve Madame le Haut-commissaire dans les récents événements qu’a connus Papeete en obtenant par la négociation le déblocage de la ville et celui des institutions, par un recours ferme et mesuré à la force publique.

De mon point de vue, l’absence de stabilité et de visibilité dans laquelle s’installe la Polynésie trouve son origine dans le changement de mode de scrutin introduit dans notre statut de 2004 qui a favorisé à l’extrême les deux partis politiques principaux.

L’ensemble des partis politiques et la population elle-même étaient favorables à la suppression de la prime majoritaire.
Je pense réellement que ce n’est pas une motion de censure pour faire tomber le gouvernement qui ramènera la sérénité en Polynésie mais un processus démocratique.

Les prochaines élections à l’Assemblée de la Polynésie auront lieu en 2009, il faut auparavant supprimer cette prime majoritaire et c’est l’objet de la proposition de loi que j’ai déposée devant notre assemblée (AN) le 17 octobre dernier.

Je souhaiterais, Monsieur le ministre que, comme le prévoit notre statut vous transmettiez cette proposition de loi à l’examen de l’assemblée de la Polynésie pour recueillir son avis.

La Polynésie a d'autant plus besoin de retrouver la sérénité que les secteurs les plus porteurs de l'économie locale donnent des signes encourageants : le tourisme se développe avec une augmentation des visiteurs et la perle noire de Tahiti connaît un nouvel essor grâce aux efforts pour en promouvoir la qualité.

Ces signes encourageants sont les effets de la défiscalisation mais surtout de la mise en œuvre de la dotation globale de développement économique qui permet à la Polynésie de poursuivre les efforts d’équipement et de communication que requièrent l’éloignement et la dispersion de ses archipels.
Mais cette dotation ne justifie pas, de mon point de vue, l’abandon de la politique contractuelle entre la Polynésie et l’Etat qui fait de la Polynésie la seule collectivité de la République exclue des engagements pluriannuels.
De 1994 à 2004 le contrat de développement a permis des améliorations significatives en matière de logement social et en matière de constructions scolaires et internats.

Aujourd’hui bien que le logement social soit une priorité dans la mise en œuvre des mesures de cohésion sociale, nous devons nous contenter de montages provisoires et aléatoires, d’une défiscalisation complexe et sans visibilité à moyen terme.
Notre politique du logement est en panne et cette situation ne permet pas de maintenir l’espoir des 7000 familles qui attendent un toit pour mener une vie familiale décente, ni de poursuivre les programmes de résorption d’habitat insalubres que vous avez constatés vous-même dans l’agglomération de Papeete.

Par ailleurs la défiscalisation ne débouche pas sur des loyers en adéquation avec les revenus des ménages modestes.
Je souscris à tous les intervenants qui m’ont précédée en soulignant l’urgence à réorienter la politique de défiscalisation en matière de logement.

Aussi, je vous demande, Monsieur le Ministre de considérer ce secteur comme un domaine prioritaire et de me préciser quels moyens pourraient lui être apportés dès 2007 pour remplir la mission qui est la sienne.

L’éducation et la formation de notre jeunesse constituent un enjeu fondamental ; le transfert des compétences dans ce domaine devait s’accompagner d’un transfert des moyens.

La détermination de notre ministre de l’éducation et la qualité de dialogue de M. de Robien et de ses services laissent espérer que le retard affiché par la mise en œuvre des crédits d’Etat devrait être en partie comblé dès cette année pour assurer la sécurité et l’accueil des élèves polynésiens.

Merci, Monsieur le Ministre de nous confirmer l’effort qui a été décidé par le Gouvernement.

En ce qui concerne les étudiants, lors de votre passage, vous avez répondu favorablement à leur demande d ‘extension en Polynésie de l’allocation logement.

Ils se sont réjouis de cette avancée et souhaitent que les autorités de la Polynésie et de l’Etat trouvent rapidement un terrain d’entente pour la mettre en œuvre.

Le temps qui nous est imparti ne me permet pas d’aborder d’autres points du budget que nous allons adopter. Mais, je tiens à saluer le travail qui a été engagé pour donner enfin à nos communes une situation d’autonomie comparable à celles de métropole. Je profite de cette tribune pour remercier vos collaborateurs et ceux du Haut-commissariat de Papeete pour leur implication totale dans ce dossier si important pour l’avenir.

Enfin, les exercices organisés récemment par le Haut-commissariat ont mis en évidence une fois encore la grande vulnérabilité de nos îles aux catastrophes naturelles.
Nous souhaitons que la prévention soit davantage développée et que des mesures de protection des populations soient mises en œuvre.

Pour terminer, je voudrais au nom des élus polynésiens vous remercier d’avoir accepté de visiter chacun des cinq archipels en vous rendant dans notre collectivité au mois de mars dernier.

Cette démarche, vos qualités d’écoute, de dialogue et de neutralité républicaine ont rassuré les polynésiens et confirmé la volonté de l’Etat d’exercer pleinement ses prérogatives et de garantir aux polynésiens les mêmes droits que les citoyens français parmi lesquels, en priorité, le droit à une éducation de qualité et le droit à un logement.
En vous remerciant de m’apporter des garanties tangibles dans ces deux domaines, je voterai votre budget.
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